La fasciite plantaire, description d’une pathologie courante par un kinésithérapeute

Article rédigé par Nathan TOUATI, directeur de publication chez NeuroXtrain

La fasciite plantaire est le résultat d’une atteinte dégénérative du fascia plantaire en son origine principalement (au niveau de la tubérosité médiale du talon) ainsi que des structures périfasciales environnantes. Le terme fasciite plantaire est couramment employé pour désigner une douleur au talon, probablement en raison des croyances initiales selon lesquelles la douleur résulterait d’une réaction inflammatoire, d’où le suffixe « -ite ». Il est maintenant plus clair que cette pathologie est plus souvent due à un processus dégénératif, ce qui rend le terme « fasciite » moins approprié pour une utilisation courante et vulgarisée. Par conséquent, l’inflammation ne semble pas être une caractéristique prédominante de ces douleurs au talon, le mécanisme étant donc plus susceptible d’être celui d’une dégénérescence tissulaire avancée. De manière générale, les douleurs au talon sont souvent chroniques et environ 5 à 19 % des personnes continuent à avoir des symptômes au-delà d’un an.

L’aponévrose plantaire joue un rôle important dans la biomécanique normale du pied. Elle s’étend du calcanéum jusqu’à la base des orteils.  Le fascia lui-même est important pour le soutien et le maintien de la voûte plantaire et l’absorption des chocs à l’appui (marche, course, sprint).

Étiologie

Il s’agit souvent d’une blessure de surcharge qui est principalement due à un effort répétitif provoquant des microtraumatismes de l’aponévrose plantaire. Elle peut également survenir à la suite d’un traumatisme aiguë ou d’autres causes multifactorielles (surpoids, maladie, …). Certains facteurs prédisposants sont le pied plat (excessif), le pied creux (excessif), une dorsiflexion limitée de la cheville et une pronation ou une supination excessive. Des tensions dans les muscles gastrocnémiens, soléaires et/ou d’autres muscles postérieurs de la jambe ont également été fréquemment observées chez les patients atteints de cette affection. Cet ensemble peut bouleverser la dynamique de la marche ou de la course à pied.

Epidémiologie

La fasciite plantaire est la cause la plus fréquente en consultation pour des douleurs au talon. L’incidence et la prévalence exactes de la fasciite plantaire en fonction de l’âge sont encore méconnues à ce jour, mais les estimations montrent qu’environ un million de visites de patients par an sont dues à la fasciite plantaire. Certaines publications montrent que le taux de prévalence chez les coureurs pourrait atteindre 22 %.

Cette pathologie représente environ 10 % des blessures liées à la course à pied et entre 11 à 15 % de tous les symptômes de douleur au pied nécessitant des soins médicaux professionnels. On pense qu’elle touche également aux alentours de 10 % de la population générale, 83 % de ces patients étant des adultes actifs âgés de 25 à 65 ans. Elle peut se présenter de manière bilatérale dans un tiers des cas.

L’évaluation / Le diagnostic

Alors comment bien poser le diagnostic de fasciite plantaire ?

Les patients se présentent souvent avec une histoire de douleur progressive au niveau du talon inférieur et médial, mais qui peut toutefois irradier de manière proximale vers les orteils (dans les cas plus graves). Cette pathologie n’est pas tout le temps lié à une pratique sportive importante, comme expliqué en introduction, elle est d’origine mécanique et répétitive. Les patients décriront souvent la douleur comme étant aigus et pires lors des premiers pas hors du lit le matin. Les longues périodes en position debout ou, dans les cas graves, en position assise prolongée exacerberont également les symptômes. La douleur diminue souvent lorsque l’on se déplace ou que l’on commence une activité sportive, mais elle augmente ensuite tout au long de la journée à mesure que l’activité augmente.

La douleur peut généralement être reproduite en palpant la tubérosité calcanéenne médiale à l’endroit de l’insertion du fascia plantaire sur le calcanéum. Elle peut être aussi induite par la dorsiflexion passive du pied et des orteils. Plus précisément, la dorsiflexion passive de la première articulation métatarso-phalangienne est connue sous le nom de test du guindeau (ou test de Jack) et est considérée comme un test positif si la douleur est reproduite. Les résultats secondaires peuvent inclure un tendon d’Achille raide et sensible, un pied plat ou un pied creux. Il peut également être bénéfique d’évaluer le schéma de course à pied du patient afin de déceler les facteurs biomécaniques ou les facteurs prédisposants mentionnés précédemment.

Lorsque l’on envisage le diagnostic de fasciite plantaire, il faut tenir compte aussi des potentiels diagnostics différentiels, voici donc une liste de symptômes à ne pas exclure dans le diagnostic différentiel : (liste non exhaustive)

  • Lésion du calcanéum
  • Infection
  • Douleurs osseuses de la drépanocytose
  • Contusion osseuse / Fracture de stress
  • Douleur neuropathique (syndrome canal tarsien)
  • Tendinite
  • Ostéoporose
  • Tumeur maligne

L’indication à une imagerie n’est pas nécessaire dans le processus de diagnostic pour une fasciite plantaire, l’échographie et l’IRM restant les examens les plus pertinents pour une analyse des tissus mous.

La rééducation

Dans une revue systématique de 2021, Morrissey et ses collaborateurs ont établi un guide complet et actualisé de la prise en charge des douleurs dans la région du talon. Pour se faire, ils se sont basés sur des données de la littérature, un consensus d’expert et un retour auprès de patients atteints de ces douleurs-là.

Les problématiques étant vastes autour de cette pathologie (douleurs, perte de fonction, atteinte psychologique…), le consensus retenu est d’établir une approche globale, basée sur 2 catégories :

Le « Do » (tiré de l’anglais « faire ») / ce qu’il faut mettre en place demanièreinitiale pour chaque patient.

Le « Decide » (tiré de l’anglais « décider ») / ce qu’il faut mettre en place de manière individualisée pour chaque patient.

Le schéma ci-dessous vous résume les interventions à mettre en place :

Schéma adapté de Morrissey et al. 2021

Les interventions principales des travaux de Morrissey se basent sur l’étirement du fascia plantaire (comprenant l’ensemble des tissus et des muscles intrinsèques du pied) ainsi que sur l’utilisation de taping. Concernant la partie « éducation », beaucoup d’auteurs s’accordent à dire qu’elle représente une intervention majeure à mettre en place. Cependant, au vu des nombreux aspects différents de cette éducation thérapeutique et des besoins personnalisés entre chaque individu, le contenu de cette éducation doit être adapté et décidé au regard du profil de l’athlète ou du patient (partie « Decide » de ce schéma). Cette prise en charge globale doit être maintenue sur une période minimale de 4 à 6 semaines. La douleur peut être prise en charge avec des techniques de massage et d’auto-massage.

Quelle place donner au renforcement musculaire dans cette prise en charge ? Comme pour d’autres affections chroniques du système musculo-squelettique (comme l’arthrose ou les tendinopathies), le renforcement musculaire reste souvent efficace dans le cadre des soins de première intention.

Cependant, aucun consensus n’existe sur un potentiel meilleur type de renforcement, le but étant d’optimiser la charge de travail. Au regard des potentiels facteurs de risque, un renforcement spécifique des muscles intrinsèques du pied, des fléchisseurs des gros orteils, du tibial postérieur ainsi que du long fibulaire reste un axe de travail à apporter à la prise en charge. Un étirement global du triceps sural afin de gagner en mobilité de la cheville peut s’ajouter à cet ensemble de recommandations.

Si la douleur ne répond pas aux mesures conservatrices, il faut alors envisager des techniques plus avancées ou invasives telles que la thérapie par ondes de choc extracorporelles, la toxine botulique ou diverses injections pouvant inclure du plasma riche (PRP) par exemple. L’intervention de professionnel en lien avec la fabrication d’orthèse peut aussi s’avérer utile avec notamment des attelles de nuit pour soulager des douleurs.

Les techniques plus avancées et invasives doivent être combinées à des thérapies conservatrices. La chirurgie doit être la dernière option si ce processus est devenu chronique et que les autres thérapies moins invasives ont échoué.

Tout le contenu de cet article est présenté à titre informatif. Il ne remplace en aucun cas l’avis ou la visite d’un professionnel de santé.

A propos de NeuroXtrain :

Nathan Touati et son associé Antoine Fréchaud sont à la tête de NeuroXtrain, site web spécialisé dans la rédaction d’articles et création de contenus divers sur les sciences du sport, les performances, les nouvelles technologies et la rééducation des athlètes.

Sources :

Plantar Fasciitis. (2022, janvier). StatPearls. Consulté le 10 octobre 2022, Livre sous licence Creative Commons CC BY 4.0.

Morrissey, D., Cotchett, M., Said J’Bari, A., Prior, T., Griffiths, I. B., Rathleff, M. S., Gulle, H., Vicenzino, B. & Barton, C. J. (2021, 30 mars). Management of plantar heel pain : a best practice guide informed by a systematic review, expert clinical reasoning and patient values. British Journal of Sports Medicine, 55(19), 1106‑1118. Article sous licence Creative Commons CC BY 4.0.